Cherche “coach agile” pour ?…
Par annonce, bouche à oreille, sous-traitance, la nouvelle est transmise : telle entreprise “cherche un coach agile”.
Le “coach agile” en inter-contrat se précipite avec enthousiasme pour apporter son savoir-faire et contribuer à un monde meilleur.
Avant de déchanter quelques semaines plus tard : “ils résistent au changement, les dirigeants veulent que ce soit les autres qui changent, l’équipe n’est pas motivée… »
La plainte peut varier dans la forme, mais exprime souvent désillusion et frustration.
Et si une piste d’amélioration passait par s’intéresser davantage à la demande exprimée auprès des agents du changement ? Les « coachs agiles » en étant une catégorie spécifique…
Adapter son savoir-faire ?
Au fil des années, le consultant en “transformation agile” peaufine un schéma d’intervention-type qui lui servira à dérouler son accompagnement avec efficience, en bon professionnel.
Et si justement cette élaboration d’expertise contribuait à la situation décrite dans l’introduction ?
Comment ?
Cette intervention-type pré-suppose souvent une situation “idéalisée” dont la description demeure implicite, sans évaluation des spécificités propres au contexte d’intervention. On va par exemple pré-supposer que la culture de l’entreprise cible est prête à accueillir les nouveaux comportements préconisés. Ce qui revient à démarrer la transformation dans l’illusion que le problème est déjà résolu ! Et donc à se plaindre que « la culture est un frein à la transformation agile »…
Challenges with organizational culture, resistance to change, and lack of support and skills continue to be problems.
VersionOne survey
Paradoxalement, plus sa “méthode” s’élabore, moins l’expert s’adapte aux multiples situations initiales…En complément, la culture des entreprises réclame le « one best way » cher à Taylor : déterminer la meilleure façon de produire de l’agilité. Cette combinaison risque d’aboutir au fameux “one size fits all” (taille unique) des anglo-saxons, travers dans lequel les grands cabinets de conseil sont champions hors catégorie !
Je propose dans cet article de décrire une typologie utilisée par une approche systémique en thérapie familiale, le « modèle de Bruges« , afin de différencier les types de demandes, conduisant à des relations d’accompagnement différentes.
Bien entendu, la transformation agile n’est pas de la thérapie. Cependant un point de vue systémique invite à considérer que la nature de la relation entre l’intervenant et le système/client accompagné joue quand même un rôle essentiel…
Il ne s’agit pas d’une recette, ni d’un framework, mais peut-être cela peut-il inspirer les accompagnants lors de la phase de cadrage d’un “coaching agile » ? Lors d’Agile en Seine 2021, Nadjat Attoumane a brillamment rappelé l’importance des phases de début et fin dans sa conférence « COACHING AGILE : ET SI TOUT SE JOUAIT AU DÉBUT ET À LA FIN ? »
Quel Intérêt ?
Je propose de considérer qu’un des chemins pour améliorer la “transformation agile” passe par une plus grande capacité à nouer des relations de co-construction entre les différents acteurs, au bénéfice de toutes les parties :
- l’entité accompagnée se sent prise en compte par un professionnel et invitée à prendre sa place;
- le consultant ne cherche pas à imposer UNE manière de faire et trouve plus de confort dans son intervention;
- de meilleurs résultats de changement, mieux adaptés et plus pérennes sont obtenus…
Origine ?
Le superviseur et systémicien François Balta a décrit à plusieurs reprises une typologie inspirée à la fois des travaux de Steve de Shazer (créateur de l’approche orientée solutions) et du “modèle de Bruges” de Luc Isebaert et Marie-Christine Cabié.
Dans cette perspective systémique, le décodage de la demande permet à l’accompagnant d’adapter sa réponse afin de favoriser une RELATION de co-construction du changement.
Rôle de l’intervenant et relation
François Balta décrit ainsi le rôle de l’intervenant dans son Approche Systémique Coopérative (ASC) :
“ouvrir des possibilités de choix concernant des solutions réalisables et satisfaisantes
François Balta
( du point de vue de la personne accompagnée,
en tenant compte de ses environnements )”.
La prise en compte du système/client accompagné et de ses environnements amène à établir différents types de relation.
La demande initiale du client situe l’intervenant dans un périmètre d’exploration et d’aide plus ou moins restreint. La relation qui s’établit dépend alors de la manière d’intervenir de l’accompagnant et tout d’abord de sa manière de répondre à la demande.
4 types de relations
Voici les 4 types de relations que distingue le modèle proposé :
Type de demande | Type de Relation F. Balta | Orienté Solutions Steve de Shazer | Modèle de Bruges Luc Isebaert – Marie-Christine Cabié |
Le demandeur est poussé par quelqu’un d’autre | Relation de visite | Passant | Sous contrainte – non engagé |
En souffrance sans espoir de solution | Relation de plainte | Plaignant | Recherche |
En recherche de solutions à essayer | Relation de Conseil | Acheteur, Recherche | Consultance |
Mise en place de solutions imaginées | Relation de co-expertise | Co-thérapeute | Expert, copilote |
“Bien que la description des « visiteurs/touristes », « plaignants » et « clients » soit parfois confondue avec un système de catégorisation des clients basé sur leur motivation ou leur disponibilité, Steve de Shazer précise que ces étiquettes décrivent la relation entre le thérapeute et le système-client. Le concept relationnel de « coopération / alliance » entre le thérapeute et le système-client est beaucoup plus utile cliniquement que les concepts simples de « motivation » ou de « disponibilité ».”
“Michael White et Steve de Shazer : nouvelles orientations de la thérapie familiale”, traduction de F. Aimetti.
On notera bien que les “assessments”, “modèle de maturité” ne questionnent pas la relation intervenant/système-client en positionnant d’emblée l’intervenant en expert sachant et tout puissant. Il est ainsi supposé capable de prédire l’avenir en définissant un “Target Operating System” et le chemin balisé pour l’atteindre avec certitude.
Stratégie d’utilisation du modèle
La responsabilité de l’intervenant est de transformer, par ses réponses, tout type de demande en relation de co-expertise, et de maintenir ensuite une relation de coopération, c’est-à-dire de confiance et de respect, dans le but de travailler ensemble à l’atteinte de l’objectif défini pour ce travail commun.
François Balta
Dans la suite de cet article, je détaille les 4 types de relation et donne quelques exemples en lien avec les « transformations agiles »…
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