Dans un article précédent, j’ai proposé de s’inspirer du cocktail Triple A de Sabine Henrichfreise pour envisager la transition de 2020 à 2021. Il s’agit de créer un parcours qui permette de se préparer à Accueillir l’inattendu, avant d’élaborer une nouvelle Ambition mesurée.
Le parcours résonne avec cette invitation de Gregory Bateson :
« Une certaine liberté naît de la reconnaissance de ce qui est nécessairement présent ;
Gregory Bateson
après cela apparaît le savoir de comment agir. »
Dans la courbe en U (ou en J suivant les préférences), il y a un passage difficile, matérialisé par un trou dans la courbe, ici positionné au niveau de A … comme Abandonner.
C’est un moment critique où, individuellement et collectivement, l’invitation est faite d’inspecter ses réflexes habituels et d’identifier des comportements obsolètes.
Comment guider ce moment critique ?
1) Contempler son agenda
Vous connaissez sans doute le jeu du carré chinois ?
Pensez-vous qu’il est possible de jouer avec un dispositif comme celui ci-dessous ?
Non, n’est-ce pas ?
Pour pouvoir bouger les éléments, il faut qu’il y ait au moins un carré de vide.
Regardez vos agendas : bien souvent, ils ressemblent à la photo ci-dessus. Plein à craquer, pas de temps pour vous, pas de temps pour les autres, pas de temps pour réfléchir, pas de temps pour s’adapter…
L’exercice que je vous propose demande lui-même du temps. Comme le propose l’article « Le temps ami vigilant et propice « , plutôt que de chercher à prendre le temps, je vous invite à vous le donner pour répondre aux questions suivantes…
Q1 : qu’est-ce qui détermine votre emploi du temps ?
Q2 : prenez une semaine de votre agenda, groupez vos activités par catégories et comptez le temps passé sur chaque catégorie. Que constatez-vous ? Êtes-vous satisfaits de ce ratio ?
La plupart du temps, la réponse à la première question est : les emails qui arrivent dans la messagerie et les invitations à des réunions. Autrement dit, nous subissons notre agenda plutôt que de l’organiser.
Il y a quelques années (2011), McKinsey avait enquêté auprès de 1 400 dirigeants sur la manière dont ils allouaient leur temps. Seulement 52% d’entre eux déclaraient que leur gestion du temps était en ligne avec les priorités stratégiques de leurs entreprises. Je doute que la situation se soit améliorée depuis…
2) Interroger son rapport au Temps
Développer son agilité passe par assumer ce constat douloureux :
Il n’y a pas assez d’heures dans une journée, de jours dans une semaine pour faire tout ce nous avons à faire.
Quelque soit notre performance…notre productivité : le plus nous faisons, le plus il y a à faire…
Le combat est perdu d’avance.
Il ne s’agit donc pas de faire plus rapidement, et donc de s’épuiser, mais de CHOISIR ce que l’on fait.
Et donc commencer par faire du ménage dans nos activités.
Exercice 1 : conscientiser ses habitudes de pensée
Dans l’article Feuille de route ou livre de bord, j’invite à considérer que le langage que nous employons, non seulement reflète notre vision du monde, mais l’entretient, la renforce.
Je vous invite à repérer dans vos expressions :
a) tout ce qui relève d’un prédictif illusoire : ex. la traditionnelle « feuille de route » de début d’année.
b) tout ce qui montre que vous êtes piloté par votre agenda : ex. « je suis surbooké » (avec une once de fierté dans la voix), « je n’ai pas eu le temps de … » -> je n’ai pas pris ou je ne me suis pas donné le temps de …
c) etc.
Se comporter différemment, c’est aussi adopter consciemment de nouvelles modes d’expression et de pensée. Comme tout apprentissage, au début c’est inconfortable, cela demande un effort, puis petit à petit, les nouvelles habitudes s’installent.
Tout seul, ce n’est pas facile. Si vous invitez d’autres personnes à votre expérience, cela peut devenir ludique. Si dans un CoDir, chacun va, par exemple, réagir à une série d’expressions convenues d’avance, vous allez pouvoir mettre en place à grands coups de « Bingo ! » une discipline collective vertueuse.
Bien entendu, il ne s’agit pas de conserver les mêmes habitudes de pensée, dissimulées derrière une novlangue New-Age !
Exercice 2 : retrouver des temporalités différentes
Deux temps : Annuel et Urgent
Les dirigeants, formatés par l’exercice budgétaire, ont perdu l’habitude de penser sur différentes échelles de temps. Il existe seulement l’annuel et l’urgent. Les temps intermédiaires n’ont plus leur place. Nous nous retrouvons à pédaler le nez dans le guidon vers des destinations illusoires.
On définit scrupuleusement pour l’année et avec le même niveau de détail jusqu’en décembre, le budget, les objectifs, la feuille de route (Bingo !). Puis, tout le monde est happé par l’exécution dans le court-terme, l’urgence. Et la réalité bouscule ce plan parfait. Mais l’année prochaine on fera surement mieux !
Regardez dans le rétro :
Qu’avez-vous réalisé de votre feuille de route 2020 ? Et si vous pensez que c’était une année particulière en raison du COVID, qu’avez-vous réalisé de votre feuille de route 2019 ?
Quels ont été les impacts des imprévus ?
Un besoin d’affiner progressivement
Trop souvent encore, il n’y a pas d’espace prévu pour des temps intermédiaires, pour des révisions en cours d’année, pour prendre en compte les informations disponibles, pour instaurer des boucles de feedback régulières qui permettront d’adapter la trajectoire aux événements.
L’agilité propose de considérer qu’une fois notre cap déterminé, il est important de passer du temps à bien définir ce que nous devons faire à court terme (trimestre). Les mois suivants comportent tellement d’incertitudes que trop détailler les réalisations constitue une perte de temps et de visibilité. Le faire au fur et à mesure, nous apportera bien plus de précision en bénéficiant des informations récoltées en cours de route.
Des canevas comme le « Bullseye » permettent à un collectif de visualiser ses initiatives sur différentes échelles de temps.
3) A quoi Renoncer pour accueillir l’inattendu ?
Ce sera l’objet d’un futur article…