Vision et objectif de Sprint : Scrum et théâtre

Dans la mise à jour 2013 du Scrum Guide, les créateurs de Scrum mettent en avant l‘importance de la définition d’un objectif de Sprint comme outil de focalisation pour l’équipe et de décision en cas de perturbations. Voir mon article scrum guide 2013 : toilettage d’été.

Mon expérience théâtrale passée me rend très sensible à l’importance de cette notion. Je vous propose de prendre cette optique pour mieux comprendre l’importance de l’objectif de Sprint.

Lien avec le théatre

Lors d’Agile France 2013, j’ai présenté une session Ce que le Théâtre m’a appris d’agile que vous pouvez retrouver en vidéo sur InfoQ Fr.

Dans cette session, je mentionne le grand metteur en scène Constantin Stanislavski qui a eu une influence primordiale sur l’évolution du théâtre et du jeu dramatique puisqu’il a inspiré l’Actor’s Studio, pépinière de talents du cinéma nord-américain. Si je vous cite Marlon Brando, James Dean, Elizabeth Taylor, Marylin Monroe ou plus récemment Tom Hanks, Sean Penn, Nicole Kidman ?

Constantin Stanislavski

Stanislavski a été d’abord un immense metteur en scène, en particulier dans son travail de représentation des pièces de Tchékov, mais également l’auteur de plusieurs ouvrages incontournables sur la formation du comédien et le jeu de l’acteur : la formation de l’acteur, la construction du personnage, ma vie dans l’art…

J’ai eu la chance de découvrir son œuvre dès mon premier cours de théâtre et son exigence m’a profondément marqué.

Super objectif et objectif de la scène

Dans la formation de l’acteur (1936), il insiste sur l’importance de définir un superobjectif pour la pièce, ce que nous appelons communément en agilité la vision  :

Le courant des objectifs mineurs indépendants, toutes les inventions, les pensées, les sentiments et les actions de l’acteur doivent converger vers le superobjectif de la pièce. Le lien commun entre eux doit être si fort que même le détail le plus insignifiant, s’il se trouve sans rapport avec le superobjectif, paraîtra faux ou inutile.

Le metteur en scène détermine le superobjectif « Qu’est-ce que je veux que les spectateurs aient retenu de la pièce à la fin de la présentation? ». Ce superobjectif s’atteint au travers de la définition d’objectifs pour chaque scène ou segment de l’œuvre. Chaque acteur examine à son tour son ou ses objectifs de personnage en vérifiant leur cohérence (alignement ?) avec le superobjectif de la pièce.

Le grand metteur en scène explique que si le but n’est pas atteint, c’est que l’objectif n’était pas suffisamment concret.

Je cite un extrait de l’excellent site les mots du théâtre où Mario Dragunsky présente un glossaire remarquable des termes importants de cet art :

« Si on parle d’objectif pour une scène, 
on peut parler de but pour l’ensemble de l’acte et, comme Stanislavsky, de super-objectif en parlant de l’ensemble de la pièce. Là encore il est très important de trouver les bonnes définitions. 
Il faut ajouter que ces définitions sont un « work in progress » et qu’elles peuvent, par conséquent, 
évoluer en cours des répétitions. »

Un écho étonnant

Je ne résiste pas au plaisir de vous proposer quelques phrases supplémentaires du grand Product Owner Stanislavski sur la définition d’objectif,  :

 S’il n’a pour origine que des intentions superficielles et théâtrales, il ne donnera qu’une direction à peine correcte à la pièce. S’il est vraiment humain et orienté  vers la réalisation de l’objet essentiel de la pièce, il sera comme l’artère centrale qui apporte vie et substance à la pièce et aux acteurs. Plus l’œuvre est profonde, plus le super-objectif sera puissant.

Vous savez déjà combien il est important de choisir un nom juste pour l’objectif. Vous vous souvenez que nous avons décidé que la forme verbale était préférable, car elle incite plus à l’action. C’est encore plus vrai lorsqu’il s’agit de définir le super-objectif.

Il arrive souvent que nous ne saisissions pas exactement le thème principal tant que la pièce n’est pas montée. C’est parfois le public qui nous aide à trouver la bonne définition. Le thème principal doit rester gravé profondément dans l’esprit de l’acteur tout au long du spectacle. C’est lui qui a inspiré l’auteur de la pièce. C’est lui aussi qui doit être la source de la création artistique de l’acteur.

La formation de l’acteur, Constantin Stanislavski.

Écoutons OpenView (où siège Jeff Sutherland) parler de Scrum :

Understand how tasks fit into the bigger picture:

Because Scrum allows you to break down complex projects into manageable tasks, it forces you to think about the specific actions needed to reach a goal, and it encourages reviewing and revising those actions with your team. The ultimate goal is always in mind, but the steps necessary to achieve it are the main focus.

Si vous souhaitez explorer un peu plus les résonances entre les réflexions de Stanislavski et la démarche agile, je vous invite à parcourir également le site L’oiseau bleu -Lexique Stanislavskien.

Vous verrez, c’est étonnant…

2 commentaires

  1. J’aime beaucoup Stanislavski, il a une place étrange dans le parcours de lea formation d’un acteur : on passe d’abord par lui, pour s’en éloigner ensuite (comme un Meyerhold, élève de Stanislavski et père de la biomécanique, technique corporelle de théâtre), au point même de le rejeter ; ensuite avec les années on y revient, mais conscient des faiblesses inhérentes à son type de jeu. Certainement « incontournable » (sic) pour Tcheckov, il reste utile pour Ibsen ou Strindberg … mais pas tout. Heureusement Meyerhold, Brecht ou autres Artaud vont mettre un grand coup de pied dans tout cela – phénomène cyclique, eux aussi se verront chahuter par leurs successeurs .. Par contre monter Shakespeare sous principe stanislavskien, j’ai mal rien que d’y penser – c’est souvent inepte …

    L’actor’s Studio : bof bof et rebof. Je trouve ça vraiment mauvais, surfait – les comédiens qui ont « un plus » s’en sortent. James Dean ne s’en sort pas – il joue presqu’aussi mal qu’il conduisait … l’Actor’s Studio c’est d’abord choisir des p »tites gueules de cinéma avant d’être dans la concrétude du jeu. C’est dommage. Mais les américains ne comprendront jamais l’Art du jeu … c’est ainsi, ce sont des industriels de l’image – toutes les grnades influences, russes, allemandes, tous ces gens qui ont fait le cinéma d’Hollywood – pour la plupart émigrés d’Europe dès les années 30 face à la montée du nazisme, ou les stars du Music Hall à l’anglaise (Chaplin) ont tout apporté (et le McCarthysme s’est chargé pour beaucoup de leur « prendre le reste » – jalousies des réalisateurs locaux!!).

    Mais je dérive, je dérive.

    Stanislavski a aussi mal été compris en France. Mais c’est une autre histoire …

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