Penser systémique…sans utiliser le mot “système” !

Ce matin, je relisais l’analyse de pratique d’une personne en supervision.
Son décodage était très juste, mais la rédaction perdait de sa puissance au fil du recours à un jargon “systémique”.

Le piège  : utiliser un langage technique qui donne l’illusion de l’explication (et donc du contrôle), en perdant de vue les enjeux humains et finalement sans apporter beaucoup d’options nouvelles pour une intervention.

Si l’on relâche sa discipline (😉 à Peter Senge), on se surprend à écrire « Le ‘système’ cherche son ‘homéostasie’ » ou « Le ‘système’ résiste au changement ».

C’est creux…et ça ne sert pas à grand chose.

Dire que « le système résiste« , c’est gommer ce qui se joue chez les acteurs, leurs enjeux, leurs perceptions des contextes, leurs contradictions, leurs émotions.

🎯 Le Défi : bannir le mot “système”

J’ai proposé un exercice radical :

Réécrire toute l’analyse SANS utiliser une seule fois le mot « système », ni ses dérivés.

L’objectif ? Remplacer les automatismes d’écriture par des hypothèses sur les processus en jeu.

Exemples de différence :

❌ Version Jargon technique :

« Le système en souffrance maintient son homéostasie pour éviter un changement de niveau 2.« 

Ben non, le système ne souffre pas et n’a pas d’intention. Le système est dans ma tête 🙂

✅ Version processuelle :

« La famille préfère continuer à se déchirer au quotidien, car cesser le combat signifierait devoir affronter un deuil impossible. La souffrance partagée représente leur seule manière de rester encore en lien.« 

❌ Version Jargon technique :

« C’est une boucle de rétroaction négative où la solution devient le problème.« 

Pour un ingénieur, peut-être que ça l’aide à réparer le bouzin.
Pour de l’accompagnement humain ?

✅ Version processuelle :

« Pour protéger sa mère de l’effondrement, son fils lui cache la vérité. Mais ce silence angoisse la mère, qui redouble de contrôle pour se rassurer, ce qui force le fils à mentir davantage pour ne pas l’inquiéter.« 

Vous voyez l’idée ?

Dans le premier cas, on décrit une mécanique froide, abstraite.

Dans le second, on touche aux contraintes perçues (je ne peux pas dire la vérité), aux émotions (angoisse, peur de l’effondrement) et aux enjeux vitaux (protéger le lien).

La puissance du regard systémique n’est pas de plaquer des concepts sur les situations, mais de révéler la cohérence déchirante des contradictions.

Et vous, sauriez-vous décrire les dynamiques de blocages sans prononcer le mot « système » ?

Image par Alexander Naumann de Pixabay

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