APP, supervision, co-développement… Et si on clarifiait avec le groupe ce que l’on attend ?
Une supervisée amène ce questionnement :
Je suis embêtée avec un groupe d’APP :
soit les participant(e)s n’amènent pas de situation,
soit ce ce qu’elles amènent n’est pas de l’APP !
Qu’est-ce que l’APP ?
Entre professionnels formés, les définitions diffèrent : APP, supervision, intervision, co-développement… autant de pratiques d’accompagnement qui se chevauchent et dont les contours varient selon les écoles, les cursus et les contextes.
À la suite de Marc Thiébaud (2003), cet article pose qu’il n’y a pas UNE APP, mais que sa pratique est toujours située. Chaque groupe, chaque organisation et chaque animatrice auront leur propre manière de la définir, de la vivre et de l’explorer.
Dès lors, il est profitable de consacrer un temps, par exemple la première séance, à définir un contrat collectif précisant ce que sera l’accompagnement pour ce groupe, dans ce cadre spécifique. Si cette co-construction n’a pas eu lieu au départ, elle peut être introduite à tout moment pour structurer, clarifier les attentes et guider la montée en maturité du groupe.
Un enjeu partagé entre les espaces d’accompagnement collectif
Cette nécessité de structurer un cadre tout en intégrant les attentes systémiques ne concerne pas uniquement l’APP. On la retrouve également en supervision, en co-développement et dans d’autres démarches d’accompagnement collectif. L’enjeu est le même : permettre une co-construction explicite pour éviter les interprétations de l’implicite et donner un sens partagé à l’intervention.

Martine Volle, à travers sa boussole de la supervision, a modélisé les différents types de questionnements qui émergent dans ces espaces, en fonction des attentes des accompagnés. Son approche permet de situer la demande entre le travail sur la pratique, la relation ou l’identité professionnelle. Cette boussole, initialement conçue pour la supervision, peut être également une source d’inspiration complémentaire pour structurer le travail en groupe. On ne distinguera donc pas dans cet article les différentes formes d’accompagnement collectif.
Deux exemples de problématiques liées à l’absence de cadre en accompagnement collectif
Exemple 1 : Un groupe qui n’amène pas de situations
Dans un groupe de soignants, les participants évitent d’exposer leurs problématiques, craignant d’être jugés par leurs pairs. Résultat : les séances restent théoriques, chacun partageant des généralités sans réellement approfondir sa pratique.
Exemple 2 : Des attentes divergentes
Dans un groupe de managers, certains s’attendent à des réponses concrètes à leurs difficultés, tandis que d’autres voient l’accompagnement comme un lieu de prise de recul et de réflexion. Cette divergence crée des tensions et rend les séances frustrantes.
Exposons les principes d’un d’atelier pour établir ce contrat. Un second article décrit l’atelier lui-même.
Principes fondateurs de l’atelier
A) Tout accompagnement collectif est toujours situé
Marc Thiébaud (2003) rappelle que toute démarche d’accompagnement est contextuelle. L’APP n’échappe pas à cette règle : elle est façonnée par les participants, leur métier, leur culture professionnelle et l’environnement dans lequel elle s’exerce. Un groupe de soignants, d’enseignants ou de managers n’aura pas la même approche de l’accompagnement. De même, l’animatrice, son cadre de référence et son positionnement influencent l’espace de travail.
B) Il est donc nécessaire de le cadrer avec les participants
Il s’agit d’expliciter et co-construire le cadre avec le groupe.
Cela permet de :
- Définir des attentes communes.
- Préciser les formats et modalités de travail.
- Clarifier le rôle de chacun, y compris de l’animatrice.
- Poser un cadre souple mais structurant pour les séances à venir.
- Ouvrir les perspectives sur les attentes
- initier la réflexivité et la montée en maturité, cf. Jorro (2004 )
L’enjeu est de donner une place active aux participant(e)s dans la définition de leur APP, afin qu’ils puissent réellement s’approprier la démarche, éviter les frustrations liées aux attentes implicites et soient mis en réflexivité le plus tôt possible.
C) Modèle en 5 dimensions proposé par Marc Thiébaud
L’atelier s’appuie sur le modèle proposé par Marc Thiébaud (2002) qui distingue 5 dimensions dans le travail opéré dans l’accompagnement du collectif :
- Production d’analyses et de solutions (P) :
travail centré sur les situations apportées, répondre à des besoins issus de la pratique, orientation action - Implication personnelle et introspection (I) :
exploration du ressenti et des résonances personnelles. Travail centré sur l’individu, ses émotions, ses besoins, ses représentations plus ou moins inconscientes. Prise de conscience des fonctionnements individuels - Apprentissage et développement de compétences (A) :
orientation formation. Mise en perspective et modélisation. Les situations analysées servent de support à l’apprentissage, voire à l’entraînement - Cadre et méthodologie de travail (F) :
structuration et formalisation du travail. Appropriation progressive d’un cadre et d’une méthode de travail. - Régulation et dynamique de groupe (R) :
grande attention consacrée à la constitution du groupe : dynamique des relations, identité et synergie. Facilitation des échanges et relations interpersonnelles. Orientation communication.

L’atelier proposé vise à permettre aux participants de se positionner par rapport à ces dimensions et d’identifier celles qui leur semblent prioritaires pour leur accompagnement. L’animatrice insistera sur la manière dont les différentes dimensions se renforcent les unes les autres et invitera à explorer les dimensions moins immédiates pour le groupe…
D) Une co-construction systémique incluant les acteurs absents
Dans une logique systémique, la co-construction du cadre ne concerne pas uniquement les membres présents, mais inclut également les acteurs qui influencent l’accompagnement collectif sans être physiquement dans la salle :
- L’organisation ou institution qui met en place l’accompagnement.
- Le commanditaire et/ou la direction RH.
- L’organisme d’appartenance de l’intervenant(e).
- Les bénéficiaires finaux de l’accompagnement.
- Une ancienne animatrice, si le groupe a déjà vécu un autre cycle d’accompagnement.
- …
Par exemple, il sera fructueux d’évoquer les contraintes ressenties par les différents acteurs :
- présence obligatoire des participant(e)s
- proposition obligatoire pour l’institution (au titre de la prévention des RPS par ex.)
- obligation de “performance” (satisfaction) et de durée pour l’intervenant(e)
- etc.
L’atelier intégrera une technique comme celle de la chaise vide, qui permettra aux participants d’exprimer ce qu’ils imaginent être les attentes des acteurs absents et de les prendre en compte dans la construction du contrat du groupe.
Conclusion : un cadre évolutif et vivant
L’atelier proposé permet au groupe de définir un premier cadre, mais ce cadre ne doit pas être perçu comme figé. Il constitue une référence dynamique, qui pourra être réajustée au fil du parcours, en fonction des besoins émergents et des évolutions du groupe. Il constituera une carte de référence du territoire à explorer ensemble…
Cette approche systémique et située permet aux participants de mieux s’impliquer dans l’accompagnement collectif et de s’approprier pleinement l’espace de travail, tout en assurant une cohérence avec l’écosystème dans lequel ils évoluent.
Voir une proposition concrète d’atelier respectant ces principes dans l’article Co-construire un contrat d’accompagnement collectif.
Références
- Thiébaud, M. (2003). Action-formation : coaching, supervision et analyse de pratiques professionnelles. Éducation Permanente.
- Thiébaud, M. (2003). Supervision, coaching ou APP ? Les pratiques d’accompagnement formateur se multiplient. Psychoscope, Journal de la Fédération Suisse des Psychologues FSP, No 10.
- Volle, M. (2018). La bible de la supervision de coaching. Eyrolles.
- Jorro, A. (200’). Auto-évaluation en situation de formation. URI : https://id.erudit.org/iderudit/1087976ar