Agile : une mode managériale ?

Thibaud Brière m’a mentionné dans un post LinkedIn :

« AGILE », vous avez dit « AGILE » ? De l’importance du recul historique pour échapper aux modes managériales.

J’ai donc visionné la séquence vidéo correspondante de Xerfi Canal dont la connivence condescendante entre les deux interlocuteurs m’a au passage un peu agacé. Ça c’est mon ressenti…

« l’Histoire comme antidote aux modes managériales », tel est le titre de la séquence.

Le programme est séduisant et le travail historique indispensable. De là à la prétention qu’il puisse constituer un antidote à quoi que ce soit, je reste dubitatif…

Le format médiatique impose la simplification. En 5′, s’exposer à affronter la complexité d’un sujet, c’est risquer de se saborder.

Et pourtant aborder le sujet de l’Agile (et non de l’agilité), c’est entrer dans la complexité

S’intéresser aux niveaux logiques

C’est différencier les niveaux logiques, entre les « méthodes légères » des années 90, dont parle l’orateur et qui organisent des pratiques, et le « manifesto for Agile Software Development » de 2001, qui passe à la classe supérieure pour décrire des principes et des « valeurs« .

C’est noter comme le fait Lenfle Sylvain, qu’il s’agit bien d’un manifeste pour le développement logiciel agile (ce que je nommerai Agile par la suite) et non d’un manifeste pour l’agilité des entreprises. Et donc se poser légitimement la question de son application à d’autres champs…

Mais se poser cette question en négligeant le niveau logique où l’on se situe constitue un mauvais départ…Il sera beaucoup plus discutable de transposer des pratiques que des principes. J’ai d’ailleurs proposé dans une conférence récente, « 30 ans d’agilité et après ? », de considérer que ces principes sont nécessaires pour aborder la production dans un environnement complexe, voir « Agile : un portail vers la complexité ? »

Une réaction à la bureaucratie

C’est prendre en compte l’intention de ce manifeste et lire par exemple la page « History: The Agile Manifesto » pour constater que le sujet dépasse dès le départ la conception logicielle, pour s’inscrire en opposition à une bureaucratie en inflation permanente.

Ce qui le pose d’emblée en sujet managérial et organisationnel.

« a bigger gathering of organizational anarchists would be hard to find »

« we all felt privileged to work with a group of people who held a set of compatible values, a set of values based on trust and respect for each other and promoting organizational models based on people, collaboration, and building the types of organizational communities in which we would want to work. At the core, I believe Agile Methodologists are really about « mushy » stuff—about delivering good products to customers by operating in an environment that does more than talk about « people as our most important asset » but actually « acts » as if people were the most important, and lose the word « asset ». So in the final analysis, the meteoric rise of interest in—and sometimes tremendous criticism of—Agile Methodologies is about the mushy stuff of values and culture. » (…)

« taken as a whole, the practices [of eXtreme Programming] define a developer community freed from the baggage of Dilbertesque corporations. »(…) »This isn’t merely a software development problem, it runs throughout Dilbertesque organizations. »

« Il serait difficile de trouver un plus grand rassemblement d’anarchistes organisationnels.

« nous nous sommes tous sentis privilégiés de travailler avec un groupe de personnes partageant un ensemble de valeurs compatibles, un ensemble de valeurs basées sur la confiance et le respect mutuel et promouvant des modèles organisationnels basés sur les personnes, la collaboration et la construction des types de communautés organisationnelles dans lesquelles nous voudrions travailler. Au fond, je crois que les méthodologistes agiles s’intéressent vraiment aux choses « musclées » – à la livraison de bons produits aux clients en opérant dans un environnement qui ne se contente pas de parler des « personnes comme notre atout le plus important », mais qui « agit » réellement comme si les personnes étaient les plus importantes, et qui perd le mot « atout ». Ainsi, en dernière analyse, la montée fulgurante de l’intérêt pour les méthodologies agiles – et parfois les critiques virulentes à leur égard – est une question de valeurs et de culture. (…)

(…) « Prises dans leur ensemble, les pratiques [d’eXtreme Programming] définissent une communauté de développeurs libérée du bagage des entreprises Dilbertesques » (…) « Ce n’est pas seulement un problème de développement de logiciels, il est présent dans toutes les organisations Dilbertesques » (…)

https://agilemanifesto.org/history.html

Traduit avec http://www.DeepL.com/Translator (version gratuite)

Contexte historique

C’est étudier le contexte historique en questionnant les influences du mouvement « Agile » et l’origine même du terme.

Le Lean comme influence

L’influence du Lean management sur « Agile » est considérable. Il est intéressant dans une perspective d’histoire du management de regarder comment les idées et approches en rupture sont assimilées et dévoyées en effectivement « modes managériales » avec une récurrence impitoyable. « Agile » s’inscrivant dans le triste cortège funéraire du Lean, des cercles de qualité, de l’entreprise apprenante…

Agile d’abord dans l’industrie !

S’intéresser à l’origine du mot « Agile », c’est reconnaître qu’il n’a pas été inventé par le développement logiciel, mais emprunté à l’industrie qui développait ce sujet depuis les années 90.

En témoignent le livre « Théorie de l’entreprise agile » d’Olivier Badot paru en …1998 en France ou le rapport « 21st Century Manufacturing Enterprise Strategy » rédigé sous la houlette de Rick Dove et Roger Nagel à la demande du département de la Défense des États Unis. Ce document publié en 1991 introduit le terme « agile ».

Voir l’image en tête de cet article…

Le processus de « désactivation »

C’est aussi regarder comment progressivement la démarche a été dévitalisée, complètement inversée (en devenant un processus imposé par la direction, en qualifiant une « gestion de projet », etc.), puis récupérée par les grands cabinets de conseil qui ont trouvé une autre manière de continuer à vendre leurs prestations hors sol. Ça fait partie aussi de l’histoire…

Ne pas se tromper de cible

Bref, ce qui me semble s’être joué dans cette comédie humaine « Agile » me semble davantage rejoindre une réflexion telle que vous la menez Thibaud. Une réflexion élargie sur les nécessaires transformations de nos modèles mentaux concernant le travail et son exploitation dans les entreprises, plutôt que d’être qualifiée en souriant de « bêtise » et balayée négligemment dans les poubelles de l’histoire des « modes managériales »…

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