Les entreprises s’interrogent souvent sur les manières de développer la performance.
Et si on commençait par limiter le gaspillage ?
3 types de pertes d’énergie
Olivier Devillard propose une classification des pertes d’énergie, et donc de performance, au chapitre “La mobilisation” dans son livre “Dynamiques d’équipes” aux Éditions d’Organisation (2005).
Note : il existe une version remaniée en 2017 : La dynamique des équipes et l’intelligence collective.
L’auteur considère que l’entreprise perd de l’énergie sur 3 niveaux différents :
- niveau individuel, entre la demande de l’entreprise et la capacité du collaborateur : c’est l’énergie dispersée. Cela évoque les incantations à redonner de la motivation, à susciter l’engagement des salariés, à la recherche du fameux empowerment.
- niveau collectif entre le fonctionnement existant et le potentiel de l’intelligence collective : c’est l’énergie d’entretien. On peut le relier aux débats sur l’auto-organisation en petites équipes.
- niveau organisationnel entre la performance présente dans l’organisation actuelle, silotée et bureaucratique, et les possibilités non exploitées d’une entreprise en mouvement fonctionnant en réseau : c’est l’énergie latente. A rapprocher des expérimentations sur les entreprises libérées, l’holacratie,…
Chasse au gaspi
Il est courant de rechercher la performance comme quelque chose en plus, qu’il faudrait ajouter à l’existant. Dans un esprit proche du lean, Devillard nous invite à considérer d’abord les déperditions dans l’existant.
Pour utiliser une analogie d’actualité, considérer la transition des énergies fossiles vers des énergies alternatives c’est une saine réflexion, mais qui demande d’investir dans de nouvelles technologies et beaucoup de temps pour amener un bénéfice. En parallèle de cet investissement long-terme, peut démarrer immédiatement un travail sur les énormes gâchis d’énergie dans nos habitats actuels (« passoires thermiques »).
Structurer la phase d’idéation
J’ai présenté précédemment une démarche de transformation contextualisée d’entreprise qui s’appuie sur les dissonances et incapacités de l’existant :
Quelles sont les frustrations et insatisfactions liées à l’état actuel ?
Rappel, les symptômes observables par l’entreprise sont répartis en deux catégories :
- Dissonances : de quoi se plaint-on en interne ? Que constate-t-on (heure sup, turn-over, burn-out, absentéisme, tensions…) ?
- Incapacités : qu’est-ce que l’entreprise a du mal à réaliser vers l’externe ? (perte de marché, nécessité de se réinventer, perte d’identité, insatisfactions clients, difficultés à innover, inertie…)
Les trois catégories de Devillard permettent de structurer la réflexion sur les dissonances autour des individus, de leurs interactions et du système qui oriente, contraint et régule ces interactions.
- Au niveau des individus, qu’est-ce qui démotive, désengage les individus dans l’organisation actuelle ?
- Au niveau du collectif, quels sont les freins au savoir travailler ensemble ? Quels sont les modes de décision ? Comment s’effectue la communication ?
- Au niveau de l’organisation, qu’est-ce qui dans la structure hiérarchique, les processus-règles-méthodes, les jeux de pouvoir, entraîne une déperdition d’énergie ?
Une fois cette réflexion entamée, des éléments factuels et des ressentis collectés, il est possible de passer à la phase générative pour déterminer les premières actions à mettre en œuvre :
- Que voudrions-nous à la place ?
- Comment pouvons-nous imaginer une entreprise faisant une meilleure utilisation des énergies disponibles ?
- Quel est le niveau de Minimum Viable Bureaucracy (MVB) que nous pourrions envisager ?
- Par quoi pourrions-nous commencer ?
- Qu’avons-nous déjà ?
Le livrable de cette phase d’idéation peut se concrétiser par la rédaction d’une Definition of Awesome, popularisée par Spotify, voir l’article de Douwe Attema (2017) : THE DEFINITION OF AWESOME!
Partir du contexte propre à l’entreprise
Le renforcement de l’agilité métier (#Business Agility) peut s’effectuer en adoptant dès le départ un framework ou un Target Operating Model qui semble avoir fait ses preuves ailleurs. Cela présente l’avantage séduisant de partir de quelque chose de connu, de gagner du temps en adoptant des « best practices« .
Un risque peut-être de voir l’initiative ne pas correspondre aux besoins spécifiques ou, après de premières améliorations, de constater un essoufflement, un effet plateau, voire même un abandon de l’initiative faute d’ancrage profond dans l’entreprise.
Pour renforcer les chances de pérennité, la mise en mouvement vers plus d’agilité que ce soit pour une équipe, une entité (BU, service…) ou au niveau de toute l’entreprise, peut s’initier en partant des insatisfactions de l’existant.
Via les trois niveaux, individuel, collectif et organisationnel, le modèle proposé par Olivier Devillard permet de structurer cette réflexion initiale afin d’utiliser au mieux les énergies déjà disponibles.
Publié initialement sur LinkedIn : https://www.linkedin.com/pulse/les-3-pertes-denergie-en-entreprise-christophe-keromen